Nous nous sommes quittés, il y a quinze jours avec cette question ? Ne savons-nous plus penser, se poser des questions, se faire des réflexions, les partager avec d’autres ? Sommes-nous réduits à une pensée binaire ?
Et pourtant... Penser… quelle délectation… penser c’est aussi rêver, avancer, faire des prises de conscience, c’est évoluer etc... Penser, c’est pourtant ce que j’ai appris à l’école ! On me disait, tu lis un texte, plusieurs textes qui proposent des opinions différentes et tu critiques. Tu développes ton esprit d’analyse. Critiquer dans le sens d’exprimer une opinion, celle-ci peut être positive ou négative, pour autant que tu l’exprimes avec une argumentation. C’est arrêter d’être pour ou contre, c’est dialoguer…
J’ai tellement aimé cette stimulation de la pensée que je suis triste, actuellement, de constater cette pauvreté dans le dialogue, cette fermeture. Envie d’argumenter, d’échanger… Maintenant c’est la censure, dès que ça ne plaît pas. La contradiction n’est plus tolérée. Cela est « inquiétant » et me rappelle des périodes de l’Histoire, étudiées à l’école justement, que je préfèrerais ne pas voir revenir à mon souvenir.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Alors que, depuis la nuit des temps, les sociétés ont évolué avec les penseurs, les philosophes, les sages ! Penser, c’est émettre des idées qui vont créer et structurer une société.
Penser une œuvre, c’est la créer, penser un objet, c’est le créer. Penser, faire des prises de conscience, c’est construire… C’est aussi prendre des risques, celui de se tromper, de constater que ça ne marche pas, qu’on avait oublié certains paramètres, c’est oser l’échec, c’est accepter la collaboration, parfois salvatrice, de l’autre, c’est partager. C’est vivre.
Nous avons tellement peur de ce qui nous entoure, que même notre conversation semble se calquer sur notre environnement et devenir stérile ! Tout semble devoir être aseptisé.
Les échanges et le dialogue deviennent difficiles. Les débats inexistants, même dans les familles. Les sujets, plutôt que d’exalter nos échanges, deviennent des sujets qui fâchent. Plus personne n’ose dire ce qu’il pense vraiment de peur d’être étiqueté. Étiqueté ! et c’est la mise dans le tiroir. C’est le jugement, c’est définitif, c’est le couperet. Mais que se passe-t-il ?
Avons-nous peur de penser ? Sommes-nous arrivés à un paroxysme, où la peur du lendemain incite à tout figer ?
Je nous imagine, comme des enfants, qui ferment les yeux dans la cour de récréation et pense qu’ils ne sont pas vus parce qu’eux-mêmes ne voient pas ce qui les entourent. Sommes-nous devenus des enfants qui ferment les yeux pour ne pas voir ce qui se passe, pour ne pas être dérangé dans nos croyances, ne pas laisser s’infiltrer des pensées différentes qui viennent bousculer nos certitudes ?
Nous voudrions tout arrêter pour revenir au monde d’avant. Ne pas se poser de questions, alors que notre vie actuelle n’est que la conséquence de décennies de choix. Nos choix de société ! Évidemment c’est le sujet qui fâche. Être responsable, un tant soit peu de ce qui se passe, juste pour essayer de réfléchir au lendemain, non pas pour se culpabiliser, et c’est déjà la fermeture. Porte close, plus de dialogue. C’est ce que j’entends, c’est non : « je préfère ne rien savoir » !
Croyons-nous réellement qu’arrêter de penser pourrait arrêter la logique de ce que nous avons mis en place, arrêter le mouvement, arrêter le cours de la vie ? Croyons-nous réellement qu’arrêter de penser et de dialoguer pourrait maintenir la société d’avant ? N’est-ce pas un peu infantile d’imaginer que ce que nous vivons au niveau sociétal depuis un an n’aura aucun impact sur nous, sur nos entreprises, nos enfants, nos parents, grands-parents ? Et que nous allons revenir au monde d’avant ?
Faisons un simple parallèle, ce que nous vivons sur un plan personnel peut se transposer sur le plan sociétal. Car la société, c’est nous ! Des individus, vivants les uns avec les autres.
Sur le plan personnel, tout évènement, toute rencontre, toute situation ont un impact et modifient notre structure, notre manière d’être, de penser, de vivre. Cela est inévitable car tout est en constante interaction. Nous sommes en constante interaction avec le monde qui nous entoure.
Comment imaginer que nous allons vivre le « monde d’avant » pour que la vie reprenne, comme si rien n’avait été perturbé au niveau de nos sociétés et de nos vies. N’est-ce pas un peu naïf ??? Le monde d’avant, qui peut y croire ? Ne devrions-nous pas plutôt oser penser ensemble le monde de maintenant pour créer le monde d’après ? Même si la vie semble reprendre ses droits et que « tout » ouvre, trop de peurs ont été instillées pour que tout reprenne comme avant. Le monde d’avant est le passé. Il est dépassé.
Dans notre propre vie, avons-vous déjà pu revivre le monde d’avant, le monde d’hier, le monde d’avant-hier ? On ne revit jamais le monde d’avant parce que le temps ne s’arrête pas, ne se rattrape pas. Parce qu’aujourd’hui nous ne sommes pas les mêmes qu’hier ou que l’année dernière, parce que la vie nous modèle et nous transforme sans cesse. Le monde d’avant ne sera pas possible avec ou sans vaccination, parce que l’impact psychologique et financier sur certaines personnes, certaines entreprises, va automatiquement avoir des conséquences sur leur avenir, sur notre avenir... plus ou moins proche.
- Quelles pourraient être les questions à se poser, aujourd’hui, avec ce que nous avons traversé, et ce que nous sommes devenus ?
- Que pensons-nous de ce que nous vivons, de ce que nous faisons, de ce que nous ressentons ?
- Quelles prises de conscience avons-nous faits par rapport à ce qui nous arrive ?
- A quoi attachons-nous de l’importance ?
De toute évidence nombreux sont ceux qui souhaitent se revoir et partager des moments de convivialité. L’humain est fait pour être en clan depuis la préhistoire.
C’est donc remettre du lien que nous souhaitons, mais quel lien, un lien stérile sans échanges pour être certains d’être acceptés par l’autre ? Ou un lien vivant qui accueille la contradiction, un lien fait de Vie ? Un lien vivant !
A très vite pour la suite de notre échange…