Vous vous demandez de quelle maladie étrange je vais vous parler ??? On y voit bien le mot œdème et compte tenu de mon métier, on se dit bien qu’il doit y avoir un rapport avec le système lymphatique. Mais ce « Lip » devant ? Qui signifie lèvres en anglais… Et bien non, il ne s’agit pas de nos lèvres, nous ne sommes pas en présence d’un mot sorti de l’anglicisme à la mode !! enfin plus vraiment à la mode paraît-il maintenant ! L’anglicisme devient ringard… Parole de jeune …Il me faut suivre !!
Alors revenons à nos moutons ! Lipœdème… Il ne s’agit pas de nos lèvres, ni d’un œdème des lèvres, ni d’une intervention sur les lèvres. Soyons sérieux, car ce mot parle bien d’une pathologie. Pathologie méconnue en tant que telle, et pourtant nous croisons tous les jours des personnes qui en souffrent.
En effet, c’est une pathologie depuis peu ! De nombreux centres hospitaliers ont participé à des travaux pour faire reconnaître le Lipœdème comme maladie. Il leur aura fallu œuvrer avec détermination, conviction et persévérance. Les efforts ont payé. Le lipœdème est maintenant, et depuis un an, reconnu comme maladie rare au niveau européen. Et c’est déjà un grand premier pas ! Les services hospitaliers concernés continuent à se battre pour que la maladie soit reconnue tout simplement, et non comme maladie rare, car nombreuses sont les femmes qui en souffrent (11% de la population). Cette reconnaissance permettra à toutes ces femmes de recevoir un traitement approprié, une prise en charge médicale et remboursée par les caisses d’assurance maladie en Suisse.
Mais revenons au début, car je ne vous ai toujours pas dit de quoi nous parlons et vous vous impatientez… Je le sens.
Le lipœdème est bien une maladie. On en parle de façon banale comme de la cellulite depuis longtemps. Mais ce n’est pas une cellulite qui serait causée par une mauvaise alimentation ou par manque d’exercices.
En fait, le tissu adipeux est présent en trop grande quantité et regorge d’eau. L’élimination des toxines par le système lymphatique se fait de plus en plus mal. Ce système lymphatique présente des imperfections, les collecteurs sont tortueux et ne sont pas aussi efficaces qu’ils le devraient. L’état est inflammatoire, la perméabilité des capillaires va générer l’œdème. Ce problème touche de très très nombreuses femmes.
Tout commence à la puberté, nous en voyons beaucoup autour de nous ! De jolies jeunes filles, le bas du corps légèrement « empâté » … mais pas trop ! Elles sont encore jeunes, les tissus sont fermes … Tout le monde pense à un problème esthétique. Elles sont facilement culpabilisées par une société qui n’accepte pas les formes, elles pensent qu’elles mangent trop, qu’elles ne font pas assez de sport … Elles n’osent pas parler de leur mal-être dans le milieu médical qui abordera, le plus souvent, le sujet avec désinvolture !!! De quoi se plaignent-elles ? Nous soignons de vrais malades ! Voilà ce qui est sous-entendu… Le problème est banalisé, relayé à un problème d’ordre esthétique, et finalement, pas si important que ça ! Pourtant nous sommes déjà en présence du stade I de la maladie.
Le problème commence plus tard. En règle générale, c’est toujours le même parcours. Ces femmes ont voulu affiner leur silhouette et harmoniser le haut et le bas du corps. Elles font du sport, des régimes alimentaires… mais rien n’y fait. Les années passent et malgré les efforts les centimètres s’installent sur les cuisses, les hanches, les fesses. Chaque grossesse est l’occasion d’une prise de poids qui ne partira plus. Et parfois, c’est la prise de poids qui mettra en évidence le lipœdème.
Ce sont des femmes qui passent leur vie à faire des régimes, des efforts, avec des résultats en deçà des efforts consentis… Et c’est tellement désespérant ! Elles vont souffrir physiquement. Des jambes lourdes, l’œdème qui ne diminue pas lorsque les jambes sont surélevées, des tissus enflammés et douloureux, des hématomes fréquents, une cellulite douloureuse au toucher et visuellement ce n’est pas facile non plus ! Une intimité parfois difficile, une image de soi désastreuse, une difficulté à se faire confiance et à la clef, très souvent, un état de déprime constant.
Le monde médical méconnaît ce problème et renvoie souvent ces femmes à leur besoin d’image parfaite véhiculée par la société, et les encourage à s’accepter comme elles sont !! comme si le problème était un problème esthétique. Mais il ne l’est pas. Il s’agit d’un problème de santé.
A 50 ans, ce sont des femmes qui ne se reconnaissent plus et qui ont baissé les bras. Personne n’a reconnu leur problème et leurs efforts. La société ne se gêne pas pour les regarder de travers et les culpabiliser. Elles présentent une déformation des membres inférieurs et des difficultés à la marche. (Les photographies en fin d’article sont éloquentes).
En effet, ces jeunes filles un peu rondes au départ vont devenir des femmes toujours plus fortes. Leur embonpoint va se localiser, le plus souvent, depuis la taille jusqu’aux chevilles. Leur circulation sanguine et lymphatique va diminuer. L’élimination des toxines va ralentir. Les tissus vont devenir durs et fibrosés ! Les amas graisseux vont augmenter, l’élimination par le système lymphatique va diminuer. Et le cercle vicieux a démarré ! Moins ça circule et plus ça se fibrose. (Dans les situations compliquées, le lipœdème pourra devenir un lipo-phlébœdème, un lipo-lymphœdème, un lipo-phlébo-lymphœdème. Ce sont des termes médicaux qui correspondent aux différents stades de la maladie).
Plus les tissus augmentent de volume et plus les risques de pathologies secondaires augmentent également.
Au-delà du problème visuel et esthétique, il s’agit d’un réel problème de santé, qui avec le temps, va dégénérer et devenir un problème de santé publique. Et ce problème va en amener d’autres ! Problèmes cardiaques, articulaires, sanguins, dépression, etc…
Ce sont des femmes qui arrivent dans les services hospitaliers (elles n’ont parfois que 60 ans) complètement déformées. Elles arrivent avec des béquilles, une mobilité réduite et le désespoir en bandoulière.
Heureusement, certains services hospitaliers ont pris la mesure de ce problème, souvent pris à la légère, méconnu et classé dans la catégorie des problèmes d’ordre esthétique, alors qu’il n’en est rien. Les équipes médicales travaillent à la reconnaissance de cette problématique comme une pathologie à part entière pour que les femmes jeunes, qui présentent ce profil et ce problème de santé, soient diagnostiquées et prises en charge avant que les complications ne s’installent et que le problème ne devienne irréversible.
La bonne nouvelle, c’est qu’avec des traitements adaptés et de la persévérance, ces jeunes femmes peuvent voir une amélioration visuelle. Et qui dit amélioration visuelle, dit amélioration de l’état de santé des tissus sur les plans profonds.
Nous verrons dans le prochain article, qu’actuellement, et malgré le tableau plutôt désespérant que je vous ai décrit, tous les espoirs sont permis ! Nous parlerons des causes, et des solutions. Rendez-vous dans 15 jours ?
Les photos ci-dessous illustrent un lipœdème aux différents stades de la maladie.
Vous pourrez retrouver d’autres photos illustrant un lipœdème aggravé avec la présence d’œdème (Stade IV de la maladie) en cliquant sur le site ci-dessous. Le drainage lymphatique est très connu et reconnu en Suisse, ce qui n’est pas forcément le cas dans tous les pays.
Photos des différents stades du Lipœdème
- Photo 1 (gauche): lipœdème stade I et II
- Photo 2 (milieu) : lipœdème stade II évoluant vers un stade III
- Photo 3 (droite) : lipœdème stade III
- Lipœdème stade IV et V : voir les photos sur le site proposé.
© Alice Duruz - 2019
Source :
Revue médicale Praxis
Automne 2018
Photographies
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